5 idées reçues sur la colère

Publié le : 21 octobre 202014 mins de lecture

La colère est un sentiment qui obscurcit notre capacité à faire face aux situations, ainsi qu’une réaction qui nuit à notre santé. Dans cet article, Albert Ellis s’attaque à cinq faux mythes sur la gestion de ce sentiment afin de les détruire.

Vous avez sans doute déjà entendu plusieurs conseils de « bon sens » sur la façon de gérer la colère. Les magazines, les talk-shows télévisés et les experts de la radio proposent des solutions quotidiennes qui devraient théoriquement vous aider à vivre une vie sans colère ni ressentiment. Mais malheureusement, beaucoup de ces idées ne fonctionnent pas vraiment. Si vous deviez vous adresser à cinq professionnels de la santé mentale différents aujourd’hui et leur demander quelle est la meilleure façon de gérer la colère, vous obtiendriez probablement cinq réponses différentes. Certains « experts » vous diront que la solution à vos problèmes se trouve dans votre passé. La seule façon de résoudre efficacement la colère est de revenir en arrière et de guérir les anciennes blessures et injustices qui ont fait de vous un individu peu sûr de lui et en colère. D’autres, cependant, pourraient dire que le passé n’a rien à voir avec cela. Si vous changez votre travail actuel, vos relations ou les situations qui vous bouleversent, vous vivrez sûrement une vie plus heureuse et plus saine, avec moins de colère. Et vous pouvez aussi entendre d’autres opinions sur la colère qui se contredisent. Certains professionnels vous conseillent de rester et d’éviter autant que possible les conflits avec les personnes problématiques, par exemple en vous éloignant des situations difficiles et en ne revenant qu’après avoir calmé votre colère. Au contraire, il y a ceux qui disent qu’il faut toujours évacuer sa colère : on peut le faire, par exemple, en s’exprimant ouvertement avec ceux avec qui on est en colère. Vous pouvez aussi évacuer votre colère indirectement lorsque vous êtes seul, en criant, en donnant des coups de poing sur les oreillers ou en pratiquant une activité physique intense. Il existe de nombreux clichés sur la colère, mais pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas eu assez de recherches scientifiques jusqu’à présent pour comprendre les causes et les solutions à ce problème. (…) Voici cinq des faux mythes les plus courants sur la gestion de l’hostilité et de la colère. Pour comprendre la vraie nature de la colère, il faut examiner ces faux mythes et les contester avec un juste scepticisme.

Faux mythe n°1 :

L’expression active de la colère aide à la réduire – L’idée que pour réduire la colère, il faut l’exprimer activement vient de la pensée freudienne. Selon le modèle hydraulique des émotions développé par Freud (et Wilhelm Reich), avec le temps, vos sentiments de colère s’accumulent et créent un réservoir d’énergie négative. Si vous ne l’exprimez pas ou ne la libérez pas, cette colère refoulée finira par exploser avec des manifestations physiques, des maladies et des troubles émotionnels. Les thérapeutes qui adhèrent à cette théorie vous encouragent à évacuer vos sentiments de colère afin de vider le réservoir de tension refoulé. En vous forçant à répondre à ceux qui vous offensent ou à accomplir d’autres actes cathartiques, vous empêchez théoriquement l’accumulation d’énergie négative à des niveaux nocifs. Ce faux mythe contient deux erreurs importantes. Premièrement, le fait d’exprimer sa colère réduit les risques pour la santé. Deuxièmement : que se débarrasser de l’hostilité vous rendra moins furieux. Comme nous l’avons noté (…), de nombreuses preuves montrent que la colère chronique est un véritable facteur de risque de maladie cardiaque. Certaines études montrent un lien entre la rage réprimée et la maladie. Mais les personnes qui évacuent leur colère sont-elles vraiment mieux loties que celles qui ne le font pas ? Absolument pas ! (…) Qu’en est-il du faux mythe selon lequel ceux qui expriment leur colère ouvertement et librement deviennent moins enclins à la colère ? La catharsis réduit-elle vraiment la colère ? De nombreuses expériences psychologiques ont examiné ce sujet au cours des quarante dernières années : toutes sont arrivées à la conclusion que les expressions verbales et physiques de la colère entraînent plus de colère et de violence, et non moins. Le fait d’évacuer la colère directement et indirectement tend à la renforcer et à la consolider. (…) Une autre raison pour laquelle ce faux mythe persiste est que la plupart des thérapeutes veulent sincèrement aider leurs patients à se sentir mieux. Comme les patients peuvent éprouver un soulagement temporaire après avoir évacué leur colère, de nombreux thérapeutes se convainquent à tort qu’ils font quelque chose d’utile en les encourageant à exprimer leur colère. En outre, les thérapeutes veulent soutenir les patients. Après les avoir écoutées décrire leur réaction à une injustice, le thérapeute peut penser qu’il est correct ou approprié que les patients s’expriment. Le conseil d’exprimer ouvertement sa colère peut suggérer que le thérapeute a vraiment compris le patient et qu’il prend soin de lui. Malgré les nombreux essais qui réfutent la validité de l’évacuation de la colère, de nombreuses formes de psychothérapie et le cliché continuent à encourager cette idée dépassée. Si vous pensez également que lâcher prise de la colère est sain et productif, vous feriez bien de reconsidérer la question. (…)

Faux mythe n°2 :

Faites une pause lorsque vous ressentez de la colère – Certains professionnels de la santé mentale qui comprennent les risques et les dangers de laisser aller la colère vous diront d’essayer d’éviter les situations où vous risquez de vous mettre en colère, ou de vous en éloigner. Cette solution est appelée « faire une pause ». Pratique, si vous vous rendez compte que vous vous mettez en colère contre vos enfants, faites une pause. Si vous commencez à fumer en colère au travail, allez faire un tour et mettez-vous en colère. Cela semble être un bon conseil, n’est-ce pas ? Peut-être pas. Cette gestion de la colère est également problématique. (…) À long terme, il est contre-productif d’éviter les situations de colère. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, vous ne vous occupez pas de problèmes qui devraient être résolus. Fuir les difficultés ne les fait pas disparaître comme par magie, mais elles ont plutôt tendance à s’aggraver et à devenir des problèmes plus graves. Deuxièmement, le fait d’éviter vos sentiments vous empêche de trouver comment mieux les gérer. Pensez-y. Si vous fuyez une situation stressante, qu’apprenez-vous ? Très peu ! L’épanouissement personnel ne peut se faire que si vous êtes confronté à des difficultés. Si vous évitez de vous enfuir, accordez-vous du temps pour vous calmer et essayez ensuite de gérer les choses différemment. Ce que vous ferez vous apprendra quelque chose et vous permettra probablement de mieux gérer la situation à venir. La stratégie consistant à faire une pause n’est cependant pas à écarter entièrement. Il peut être important de prendre le temps de se calmer si vous risquez de blesser quelqu’un d’autre dans votre colère. De plus, si vous apprenez à agiter vos coups de colère, faire une pause peut être utile dans les premières étapes du changement. Toutefois, en tant que stratégie à long terme, faire des pauses vous empêchera de maîtriser vos émotions et de gérer efficacement les difficultés. Cela ne vous aidera qu’à les éviter.

Faux mythe 3 :

La colère vous pousse à obtenir ce que vous voulez – peut-être pensez-vous, comme tant de gens, que la colère vous donne la force d’obtenir ce que vous voulez. Ou bien cette colère vous pousse à surmonter les adversités et les injustices. (…) Êtes-vous convaincu que sans vos rançons de colère, les gens ne vous écouteraient pas, ne vous respecteraient pas ou ne feraient pas ce que vous voulez ? C’est vrai, certaines personnes ne le feraient pas. Et quelqu’un pourrait bien se plier à votre colère. Peut-être que votre femme ou vos enfants feraient ce que vous demandez pour voir votre colère disparaître. Peut-être même que vos collègues essaieraient de céder à votre colère. Oui, les gens peuvent ressentir votre colère quand vous lancez des cris et des menaces… mais seulement à cause de la pression constante qu’ils subissent. Avec le temps, il est fort probable que ces personnes deviennent amères et rancunières, qu’elles s’éloignent les unes des autres. (…)

Faux mythe n°4 :

Revivre le passé réduit la colère – Il s’agit d’un autre faux mythe souvent inculqué par les professionnels de la santé mentale qui croient que pour vraiment gérer la colère, il faut se souvenir et revivre mentalement les traumatismes de l’enfance qui ont déclenché votre colère à l’origine et qui le font encore. Si vous acceptez ce faux mythe, vous pourriez passer des années et des années en thérapie à essayer de comprendre pourquoi vous êtes comme vous êtes. De nombreux analystes se feront un plaisir de vous laisser explorer chaque détail de votre enfance et de votre adolescence. Cette auto-exploration peut être intéressante, mais vous aidera-t-elle à réduire votre colère ? Je ne pense pas ! Pour tester cette idée, faisons une analogie. Disons que vous êtes un joueur de tennis qui veut améliorer son jeu. Pour vous aider, engagez un coach. Après plusieurs leçons et observations, l’entraîneur peut identifier, ou diagnostiquer, certaines des raisons qui limitent votre jeu. Il fait remarquer que vous tenez votre raquette à un angle légèrement incorrect. Et puis votre posture lorsque vous frappez la balle est maladroite et incorrecte. Dans quelle mesure l’entraîneur serait-il proactif s’il passait des mois et des mois à essayer de vous faire comprendre pourquoi vous avez développé votre style de jeu maladroit ? (…) Pour vous améliorer, vous n’avez pas besoin de savoir où et comment vous avez développé votre style inexact. Il serait beaucoup plus utile que vous et l’entraîneur passiez du temps à apprendre et à exercer une nouvelle prise et une nouvelle posture. (…)Il est possible que vous ayez été maltraité ou négligé et que vous ayez subi des mauvais traitements pendant votre enfance et que cela ait contribué à votre colère, mais se concentrer aujourd’hui sur les horreurs du passé n’est pas très utile pour vous rendre plus sain. Au contraire, apprendre à recontextualiser ces expériences et à remettre en question certaines des croyances que vous avez encore à leur sujet et qui créent de la colère peut aider à réduire la colère que vous ressentez aujourd’hui.

Faux mythe 5 :

Ce sont les événements extérieurs qui vous mettent en colère – Lorsque les gens se mettent en colère, ils ne veulent souvent pas assumer la responsabilité de leurs sentiments. Combien de fois avez-vous pensé ou dit : « Il m’a mis en colère », « Elle m’a provoqué », « Ces choses me mettent en colère » ? Avec de telles déclarations, vous laissez entendre que vos sentiments de colère sont hors de votre contrôle. Hélas, vous n’êtes qu’une victime impuissante dont les émotions sont déclenchées ou éteintes par la façon dont le monde vous traite. Si c’étaient vraiment des événements extérieurs qui nous mettaient en colère, nous réagirions tous de la même manière à ce qui se passe. (…) Différentes personnes réagiront différemment aux mêmes événements. En fait, vous ne réagissez pas de la même manière à chaque fois que la même situation se présente. Qu’est-ce qui produit ces différentes réactions émotionnelles ? La plupart du temps, ce sont vos croyances sur ce qui se passe qui déterminent vos réactions émotionnelles. Dans le cas de la colère, lorsque vous êtes frustré, vos réactions peuvent sembler presque automatiques. Vous pouvez avoir l’impression que la colère surgit d’elle-même en réaction à des événements extérieurs. Mais au lieu de cela, comme nous continuerons à le dire dans ce livre, il y a des croyances, que vous pouvez reconnaître assez facilement, qui vous poussent à créer de la colère et à continuer à la ressentir. C’est vous – et pas tous les autres, aussi haineux soient-ils – qui créez votre colère. Oui, oui, vous ! Afin de réduire la colère et de mieux gérer les difficultés de la vie, il faut abandonner l’idée que ce sont les situations injustes, les personnes désagréables et les grandes frustrations qui vous mettent automatiquement en colère. Oui, ils apportent une contribution. Mais c’est avant tout vous qui créez ce que vous ressentez. Accepter cette responsabilité est la première étape fondamentale que vous devez franchir pour lutter efficacement contre votre colère.

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